Publié le 28 Octobre 2011
Pour rester dans la caricature, même si l’on s’abrite derrière l’outil et la structure, la décision de sa mise en œuvre reste humaine. Aussi, quand certains hommes nous expliquent qu’une fois aux commandes d’une organisation productrice, cette humanité doit s’effacer devant les exigences productivistes, nous avons conçu une espèce «d’avorton androïde cérébral » qui décline toutes ses limites d’acteur social. Alors, quand certains enfoncent l’idée de gérer l’État comme une entreprise, cette idée est effrayante.
En clair, un système issu de l’homme sera toujours insuffisant pour lui donner toute sa dimension si nous y restons soumis. Et ce n’est pas parce que nous remplacerons notre gestion sociale humaine imparfaite par une gestion comptable «pseudo scientiste », pourvoyeuse de prétextes égoïstes sélectifs, qu’il en ira mieux.
Naturellement il est nécessaire de se comptabiliser pour lire notre activité, mais l’histoire sociale a démontré que cette comptabilisation n’est pas suffisante en elle-même pour couvrir tous les désirs humains.
Et ce n’est pas sans incidence que de vouloir maintenir nos relations sociales émotionnelles dans des critères productivistes, car nous en arrivons et arriverions à définirdes anormalités génétiques comptables.
C’est comme si quelqu’un nous disait : La vie sur terre ne peut exister que parce qu’il y a la monnaie ou la vie nous vient de la monnaie.
Cette libre concurrence engendre seulement la primauté du plus fort, définit la primauté qui conduit les intérêts antagonistes des employeurs et des salariés, à s’aligner sur des critères opposés, car ce qui est charge pour l’entreprise est revenu pour le salarié, avant que ce revenu ne redevienne en retour, ressource pour l’entreprise.
Nous avons donc construit notre développement sur des rapports «négatifs », nous contraignant ainsi au «collectivisme » plutôt que de reconnaître ce «collectivisme » comme une capacité fabuleuse d’association d’un être «Holistique » recevant et donnant, au lieu de s’accaparer et rendre, et d’un Être qui sait inventer parce qu’il rêve individuellement, et dont l’accomplissement de son rêve ne peut se faire qu’avec les autres.
Je m’explique.
Depuis l’essai déviant du Marxisme dans les pays de l’Est, le mot collectivisme s’est «péjoré». Pourtant il n’est rien de plus que la reconnaissance de la mise en commun de notre « accoutumance structurante de la force de travail », de la capacité de s’associer pour être plus fort, dans le but de produire, et de devenir «copropriétaire » des moyens de production.
C’est malgré tout cette tendance qui s’opère par des voies détournées, voies qui ne veulent pas dire leurs noms (intéressement, participation, actionnariat). Ainsi, cette communauté de travail s’exprime toujours, quel que soit le nom que nous lui donnons, et ce dont nous débattons, ce sont de ses formes.
Ainsi dans un Univers où tout est association, il est illusoire de croire que les désirs refoulés ou rejetés, ne finirons pas par trouver l’expression d’une forme d’association. Alors, ils s’arrangeront de mots et d’un langage pour exister.
Cela même si passagèrement nous sommes capables d’aller vers le suicide altruiste, égoïste ou anomique.
Il serait donc aussi faux que je dise, que «l’économie étrangle le social », que de dire que «l’économie crée le social », même s’il ne manque pas là non plus, d’instant arrêté, de niveau, de palier pour le démontrer, tout comme nous pouvons démontrer que l’économie est facteur de guerres, ou qu’elle évite les guerres.
En effet, s’il y avait une seule de ces assertions d’absolu, depuis le temps nous le saurions.
Ainsi, d’un débat dialectique à un autre, chacun essaie de convaincre (souvent le moins aguerri), de telle sorte que nous pourrions expliquer avec autant de démonstrations avérées, que l’économie créer le social, comme son inverse, et que l’économie fomente des guerres, ou qu’elle relie les hommes.
La différence tient à notre apprentissage d’un développement intellectuel partial.
Cette partialité c’est aussi Lui, l’homme, qui la saisira par son intelligence, quand nous développerons ce qu’il y a de «positif » en nous par l’apprentissage, notre fabuleuse capacité d’emmagasiner des informations pour rêver et découvrir, comme nous le faisons avec ce qu’il y a de «négatif » (nous convaincre de passer, dans l’actuelle organisation, notre temps exclusivement au travail), et que nous le présentons comme une fatalité.
En effet, l’histoire de presque tous les États est formée des louanges faites à l’élite dirigeante, celle-là même qui guerroie sans cesse, et pour laquelle la consécration est, «posséder, convertir, et s’enfermer dans ses possessions et ses concepts ».
Aujourd’hui, nous sommes toujours sous ce même rapport, sauf que la possession (hors patrimoine) est le revenu du marché, et le fief «l’Entreprise ». Entre les deux, c’est le langage qui a changé. Je suis, certes, volontairement excessif dans la comparaison, mais même les moins naïfs savent que ce sont des rapports guerriers que nous entretenons au travers des rapports économiques.
Est-ce inéluctable ?
Est-ce qu’il serait stupide d’imaginer qu’un entrepreneur fasse appel au partenariat pour son projet plutôt qu’au salariat ?
Doit-on rester en état de servitude, même si sa forme moderne s’appelle le salariat, si la forme moderne de la vente d’esclaves s’appelle le placement ou l’intérim, parce que nous nous abusons en disant, «nous avons la liberté de ne pas nous y soumettre » ?
Est-ce impossible d’imaginer que le travail devienne une part de l’actif auquel il contribue ?
Est-ce impossible de compter différemment l’activité sociale ?
Doit-on rester sous la forme de dépersonnalisation des S A ou doit-elle poursuivre sa collectivisation par l’actionnariat jusqu’au bout en y intégrant tout son personnel jusque dans les décisions ?
Pourquoi le salarié de l’entreprise X doit-il passer par les placiers pour obtenir une part de plus value à laquelle il contribue en tant que salarié ?
Pourquoi faut-il que le salarié soit stupide pour ne pas comprendre que les taux de rendements qu’il exige de la part de ses placements, c’est lui qui les paiera par et dans son travail ?
Doit-il ne pas comprendre que dans certains cas, c’est lui-même qui se poussera au licenciement, lorsqu’il est client, et usager.
Est-ce qu’il est démontré quelque part de manière absolue que la condition humaine voue les Etres à être exploiteurs ou exploités ?
Est-ce que notre imagination ne fonctionne qu’avec de l’adrénaline causée par la peur ?
Le monde de la recherche fondamentale nous démontre que non, tout comme bien des philosophes grecs et autres. Ils démontrent qu’il suffit parfois d’avoir seulement envie de savoir, envie de créer, envie de repousser plus loin notre fragile condition humaine. Envie de voir notre futur autre que notre passé, envie d’être un individu avec les autres, plutôt qu’être la prison des autres. Envie de rêver...
D’être un individu qui aura développé sa personnalité culturalisée, toutes ses capacités, pour s’associer comme le monomère de Shapiro dans un «sourire » avec d’autres semblables ou différents, suivant le regard que nous portons sur lui, et non pratiquer le culte de la personnalité, car en s’associant il ne pourra pas rester ce qu’il était.
Ainsi, par des jeux du langage, nous nous dessaisissons parfois de la capacité de notre humanité, comme si, lorsque nous œuvrions au sein de l’entreprise, s’en était fini de notre personnalité humaine. Comme si l’économie ne devait être que l’expression de notre violence ! J’entends par la violence, l’agressivité innée due à l’espèce apte à survivre que nous sommes, et que nous érigeons en violence culturelle, dont certains y attribuent les progrès de notre société.
La capacité d’inertie de nos réalisations est telle qu’il devient quasi impossible de dévier des réalisations effectives, il faut donc de trouver des avantages décisifs à toutes innovations, que ce soit en technologie en débats d’idées, en économie pour dévier les « dominants systémiques », que nous avons validés de leur trajectoire ;et le plus souvent c’est une situation dramatique qui y conduit.
Toutefois, l’avantage que présente cette loi du marché, c’est offrir des biens et des services dans le cadre d’une anticipation qui peut être à la fois planifiée (projet), suscitée (publicité, offre), suivie (demande), et ce, peut importe qui pourra bien s’enrichir au passage dans une loi du marché sociabilisé et socialisante.
Cela, pourvu que nous comprenions que ce ne sera jamais, tous les hommes, quel qu’en soit notre désir, etque les hommes qui le seront, ne le seront jamais à titre définitif (perpétuellement). Donc, rien ne nous contraints à fabriquer des pauvres ou d’en conserver, pour se reconnaître riches. Tout comme la richesse peut reposer sur d’autres critères, que ceux que nous avons établis.
Et cela nous est permis ! Permis, justement parce que la monnaie est fictive, et qu’elle peut être utilisée pour développer des marchés là où il n’y a rien.
L’essentiel demeurant que son organisation monétaire permette à chacun de disposer d’un revenu sans altérer la capacité à produire et c’est là le plus difficile au travers des normes «méritocratiques » en place. Particulièrement devant le difficile problème de la motivation, celle qui consiste à développer, consentir un effort contre une récompense (l’effet carotte).
L’Entreprise est un moyen, la vie est la finalité. L’Entreprise est le produit d’une vie communautaire due à l’évolution de la solidarité organique plus ou moins bien «individuée », qui est capable de se définir des droits et besoins sociaux qui reflètent les exigences de la vie des individus comme finalité. Une finalité qui ne peut être atteinte que collectivement par des projets politiques.
Nous sommes donc en permanence dans la nécessité de transgresser les règles qui conduisent à une «liberté arbitraire », tout comme celles qui conduisent à une communauté univoque.
Or le rationalisme, issu de la performance «scientifique », mis au service de l’efficacité de la production qui a investi tous les domaines de la vie, ne peut pas conduire à cela, puisqu’il est arbitrairement normatif et ne laisse aucune marge de transgression. Il l’est à tel point que tous les désirs de droits sociaux doivent recevoir l’aval de la rationalité normative dans des domaines où, d’une utilité indicative, elle devient arbitraire (tel les débats actuels ou passés autour de la sécurité sociale ou des retraites ou encore les 60% de déficit budgétaire imposés par les critères de Maastricht).
En réalité, autant la théorie économique que la réalité économique démontre à l’envi que l’économie de marché sans régulation politique efficace conduit au chaos. Et les citoyens n’ont pas besoin d’être experts pour savoir qu’ils ne veulent pas d’une société où régnerait une guerre sans merci pour être le «meilleur » pour être «compétitif », où la loi du plus fort, déguisée «en loi de l’économie », remplacerait les lois politiques.
Aussi, même si les médias s’entêtent à présenter l’idéologie néolibérale comme dominante, les foules prêtent plus volontiers l’oreille à ceux qui crient à l’horreur économique et nous désignent des coupables plausibles : multinationales, marchés financiers, progrès technique, spéculateurs, patrons… Mais cette « contre pensée unique » antimondiale, antieuropéenne, antiéconomique, abrutit plus le citoyen qu’elle ne l’éclaire, parce qu’elle se trompe de cible. En effet, une société horrible nous guette peut-être, mais l’horreur n’a rien d’économique, elle est politique. Elle résulte avant tout, des stratégies du pouvoir des gouvernements et des puissants.
Car la pauvreté, le chômage, l’exclusion sociale ne sont inscrits nulle part dans les fameuses «lois de l’économie » ; ces fléaux résultent des lois des hommes que la politique a justement vocation à redéfinir en fonction des choix collectifs issus du débat démocratique.
Qu’il y ait des hommes riches, à ne plus savoir que faire de leur richesse, n’est pas gênant.
Ce qui l’est, c’est que nous pensions qu’ils doivent se défaire de leur richesse pour que d’autres puissent l’être, et ce faisant nous contribuons au maintien de leur richesse, car nous avons créé un processus où ils récupèrent ce qui leur a été pris, et parfois plus.
Si la désirabilité est le moteur de notre existence, elle donne de la valeur à ce qui n’en a pas, ainsi si vous ne désirait pas l’argent des riches ils seront pauvres. D’où le problème de l’abandon du pouvoir régalien de la nation d’émettre de la monnaie qui nous oblige à désirer l’argent des « riches » que nous enrichissons toujours plus par le remboursement des intérêts.
Ce qui l’est, c’est qu’étant riche ils se croient investi du droit «divin » qu’offre la monnaie, d’un pouvoir de décision sur la vie des autres.
Ce qui l’est, c’est qu’il y en ait qui soient démunis par le simple fait qu’à un moment ou à un autre de leur existence, ils se trouvent écartés de cette richesse. Ceci, parce qu’un système normatif et régulateur (le plan comptable), conduit à se passer du prix de la force du travail humain. Cela, parce qu’à un moment de cette comptabilisation nous interprétons notre force de travail comme un coût, alors qu’elle en est la richesse,