La dérive du président.

Publié le 7 Février 2011

Les articles ne manquent pas pour qualifier d’indécente l’instrumentalisation de l’affaire Laetitia.

Depuis l’affaire Dutroux de triste mémoire les affaires de mœurs sont devenues les affaires par excellences pour se répandre en compassion, en empathie, voire si jamais cela nous laissait indifférent nous serions catalogués comme des salauds.

 

Le crime n’est que social, je le dis souvent et le répète car dans la nature il n’y a ni crimes ni délinquances, ces notions tiennent donc à nos organisations sociales, et varient en fonction des différentes cultures. Ne pas confondre mon propos avec leurs survenances une fois les interdits posés, cela dépend d’un processus d’intégration et de dissuasion proportionné.

 

L’affaire Laetitia, devenu tristement le feuilleton de ce début d’année  par les bons soins de notre très pressé président, peut être abordée sous le regard de ses proches, sous la probabilité du risque, sous l’aspect émotionnel, et sous son instrumentalisation.

 

Ainsi donc, les affaires de mœurs, devenues les crimes et délits les plus graves, ont donné lieu à une aggravation punitive incessante de la loi, suivant un vieux principe plus le crime est perçu comme grave plus on le punit fort, et des affaires n’ont pas manqué pour suscité et exciter le désir de vengeance

 

Seule la victime est fondé à réclamer vengeance, c’est une émotion naturelle qui nous habite. C’est ainsi que lorsque nous sommes victime d’un délit ou d’un crime pour exprimer notre souffrance nous serions prêts à faire au centuple à l’autre ce qu’il nous a fait.

Ce comportement instinctif pourvoyeur d’une chaîne de délits et crimes c’est vu restreint par la loi, dont la maitrise est devenue un acte de civilité.

 

La loi de la  thora d’abord, connu sous le Viel adage œil pour œil dent pour dent, signifiant déjà que l’on ne pouvait pas faire à son agresseur plus que ce qu’il avait fait, exit donc la mort pour qui ne l’a pas donné, et la mort pour celui qui l’a donné fabrique d’autres meurtriers.

 

Dans les temps qui suivirent ce sont installé les supplices,  les mises à mort ou bannissement, et la prison n’était qu’un lieu d’attente de son sort.

Les punitions barbares n’avais parfois plus de lien de causes à effets pour ne répondre qu’à un comportement émotionnel lié aux valeurs sociales des différentes époques, dont souvent l’exécution publique était aussi apprécié, que le sont aujourd’hui nos storystelling de criminels, par exemple au XV siècle l’infanticide d’un enfant était autorisé, un deuxième valait le bucher.

 

Ce n’est qu’a partir du 19 siècle que la prison et les  dédommagements, deviennent essentiellement les moyens punitifs, auxquels se substituent aujourd’hui des peines de remplacement en fonction des dangerosités observées, car la fonction sociale de la prison n’a pas apporté toutes ses preuves, et ne peut se suffire.

 

Nous voyons donc qu’au fil du temps nos désirs de vengeance ce sont trouvés socialisés en excluant toute barbarie punitive.

Il a été organisé par la loi, donc transféré à l’état en dehors des passions et des émotions des victimes ainsi que de la vindicte populaire, pour répondre à plusieurs préoccupations dans le droit fil des droits de l’homme, et constitue incontestablement un acte de civilisation, car ils couvrent autant l’agressé que l’agresseur.

 

Or le cas d’espèce de Laetitia déplace le problème de la vengeance, car à la victime décédée se substitue la partie civile ou le parquet, et nous entrons dans le domaine de la suggestion compassionnelle, emphatique, égoïste ou des poursuites légales.

 

Si cela n’enlève pas aux proches la souffrance collatérale au crime ou délit, elles n’en sont pas les victimes.

Cette distinction s’éclipse de plus en plus et dans trois phénomènes nous voyons mêmes les parties civiles se substituer aux victimes pour réclamer la vengeance en leur nom, et parfois même bien qu'éloigné des faits, elles réclament en fait en leur nom et propre histoire ce qu’elles attribuent aux victimes.

C’est le cas dans les crimes des victimes de la shoah, ceux touchant, les crimes sexuels et les crimes contre des policiers. Nous avons là trois évolutions de valeurs sociales du crime.

Nous nous détachons donc du fait pour juger les émotions qu’ils suscitent en fonction de la barbarie qui les accompagne ou de leur poids politique.

 

Pour ne pas douté de l’évolution de la valeur sociale du crime il suffit de se souvenir que les avorteuses étaient chassées comme des sorcières et qu’il existait une brigade spécialisé.

L’IVG a mis fin à ce crime, tout comme le fera une loi sur l’euthanasie, distinguer ce que nous jugeons acceptable ne peut se faire sans émotions, et nous oblige à disposer de gardes fous pour se protéger d’elles.

 Alors cela devrait inciter ceux qui expriment leur compassion ou leur empathie à conserver une certaine distance avec un événement aux valeurs fluctuantes particulièrement quand il s’agit d’ôter la vie.

 

Nous sélectionnons les bons des mauvais morts qu’en fonction d’appréciations arbitraires développées par nos sociétés.

Les sociétés modernes sont de plus en plus orientées vers la recherche du risque Zéro. Ceci est le résultat d’une désaccoutumance aux risques divers, due aux progrès techniques et sociaux, ainsi qu’à la prise en charge du règlement des conflits par l’État ; les seuils d’intolérance aux risques et à l’anomalie sont grands, et l’application du principe de précaution devient le mode de gestion des problèmes.

Celui-ci permettant aussi aux décideurs de s’exonérer des responsabilités, face à la judiciarisassions de nos sociétés, c’est l’exemple même de la réaction de notre président dans l’affaire Laetitia, en dénonçant des manquements, avant même que l’enquête ai apporté le déroulement des faits. Pire les protagonistes en viennent à l’hypothèse qu’une absence d’un contrôle serait la cause du crime, comme si nous avions la certitude qu’un contrôle empêche le passage à l’acte, autant dire que s’il n’était pas né, il n’aurai tué personne.

 

Ainsi la gravité d’un crime ou d’un délit ne dépend pas du fait seul, mais de l’environnement sociaux culturel qui l’accompagne, particulièrement comme nous le vivons dans les crimes sexuels dont la sévérité contraste par rapport aux peines infligées aux femmes pour infanticide (10ans en moyenne avec une part de sursis).

Si nous pouvons admettre que le citoyen lambda à qui on livre une information brute réagit émotionnellement à chaud, ce ne peut être admissible des personnes politiques qui vivent en permanence dans une stratégie d’acteur, d’en arriver à définir les bons et les mauvais crimes comme l’on définie les bons et mauvais morts en fonction d’une stratégie politique.

 

Notre président à enfourché un cheval de bataille sécuritaire conséquent de la dégradation de la socialisation, de l’évolution du féminisme et du terrorisme.

En cela au lieu d’être le gardien de la raison culturelle et civilisatrice dans un monde émotionnel, il pousse à l’irrationalité des réactions et aux peurs phobiques, pour naviguer dans la subjectivité et la perception détachées du fait, dont il a fait depuis 2002 son pouvoir électoral, et comme nous le voyons depuis quelques temps, il renvoie ses responsabilités aux autres que ce soit la justice ou la police.

 

La conséquence et une lente dégradation et modification du droit français.

 

Le climat d’insécurité, domaine du FN depuis longtemps, c’est imposé par la réalité des faits mais aussi par une phobie collective dépassant de loin la constance de ceux-ci sur la durée, de 1985 à aujourd’hui, quand l’on analyse les taux de criminalité.

Ce climat à développé le principe de précaution qui exige de déterminer une dangerosité potentielle avant la survenance d’un passage à l’acte.

Si cela est envisageable dans biens des domaines en matière pénale l’on ne peut punir l’intention si aucun élément de présume de sa réalisation effective.

Nous passons alors du fait incontestable à une virtualité, à de l’imaginaire, à de la suggestibilité, pire nous en arrivons à imaginer des risques là ou ils n’existent pas.

Cela ouvre la porte à toutes les inquisitions, et la récidive devient un excellent cheval de Troie devant la stupeur populaire qui découvre l’inefficience des seules approches par l’aggravation des systèmes punitifs et qui au lieu de s’interroger ou de rechercher une approche plus innovante, voire sociale réclame encore plus de sévérité, voire s’il n’y avait pas notre adhésion aux conventions des droits de l’hommes, plus de barbarie, comme la castration chimique, non comme thérapie, mais comme punition pour remplacer la castration physique.

 

Indéniablement la dangerosité nous revoie vers les méthodes d’un passé dont nous connaissons historiquement les horreurs quelles viennent des criminels ou des systèmes punitifs.

 

L’autre glissement que fait émerger l’affaire Laetitia et la présomption d’innocence.

 

L’accoutumance de la garde à vu utilisé comme moyen de pression et de dissuasion, à fini par alimenter le vieil adage il n’y a pas de  fumé sans feu, si bien que de justes investigations policières emporte la notion de présumé coupable pour celui qui à été mis en garde à vu.

L’opinion publique sous l’information des médias en arrive donc à se substituer aux juges et au droit protégeant la liberté de l’individu qui ne peut être punit qu’une fois déclaré coupable. En fait l'opinion exige des juges la même suggestibilité qui les habite, fondé non sur la connaissances des faits, mais sur les ragots ou divagations journalistiques et les instrumentalisations politiques du pouvoir.

Il y a là une anticipation qui inverse la charge de la preuve, et transforme le présumé innocent en présumé coupable.

S’il appartient au plaignant d’apporter la preuve de ce dont il porte accusation envers un autre, dans la notion de présumé coupable, c’est à ce dernier de prouver qu’il n’est pas concerné par un fait, et s’il refuse de se justifier il devient coupable.

 

Les pouvoirs de l’investigation n’emportent pas l’obligation de réponse, n’importe quel citoyen peut, avec ses raisons, garder le silence.

J’indique cela car d’en l’esprit de l’opinion publique, celle-ci estime qu’a partir du moment où l’on a rien à se reprocher, cela emporte de répondre aux interrogations, et rejette de ce fait un soupçon sur celui qui ne s’y soumettrait pas.

Nous somme là devant le même phénomène constaté dans des supermarchés qui demandent aux clients d’ouvrir leurs sacs. Bien qu’ils n’en aient pas le droit (sauf dans le cadre de la loi),  la plus part des citoyens s’y soumettent et tout refus s’entache de suspicion.

Nos sommes donc passé d’une présomption d’innocence à une présomption de coupable, et il appartient au citoyen de démontrer qu’il n’en est pas un.

Ce glissement n’est pas insignifiant et procède du changement de nature de nos comportements vis-à-vis des autres, il faut alors ne pas s’étonner de la prolifération de boucs émissaires, d’une recherche d’élimination des éléments asociaux, et le plus grave d’une perte de discernement.

Nous avons posé comme principe l’intégrité de l’homme dans le corps et l’esprit, mais ceci ne peut pas résister à des approches suggestives irrationnelles par rapport aux réalités factuelles.

Or nos jugements le sont immanquablement, il convient donc de s’en protéger, et ce n’est pas ce que fait notre président depuis sa mandature, il les exploite dans le cadre d’une stratégie bien roder, se servir des faits divers émotionnels pour justifier le contrôle de la population à des fins hégémoniques aux bénéfices des oligarchies économiques.

Ses récentes mise en cause de la justice et de la police relève de la dérive où conduit la tolérance zéro, c’est une notion fascisante et inhumaine, il faut donc être un fou pour croire en cela, d’autant plus quand les politiques que l’on dirige sont des facteurs criminogènes.

 

Ce sujet est si sensible que même le PS et d’autres n’osent pas le prendre à rebrousse poil tant le risque d’être évincé est grand, nous allons donc vers une société culpabilisatrice et forcément de plus en plus inquisitrice.

Mouvements économiques et criminalité : quelques pistes de réflexion

Nicolas Bourgoin

Maître de conférences en sociologie et démographie à l’université de Franche-Comté, chercheur au LASA (Laboratoire de Sociologie et d’Anthropologie).

Résumés

Que signifie une corrélation chronologique significative entre détérioration économique et niveau de criminalité sanctionnée ? Que le chômage est un facteur de délinquance ou que la répression pénale s’accroît pendant les périodes de récession ? Optant pour le second terme – sans toutefois négliger le premier – sur la base de travaux méthodologiques récents, nous montrons que le chômage masculin et le taux de détention ont suivi des évolutions parallèles entre 1975 et 2009 et que les chômeurs sont surreprésentés chez les entrants en prison. La répression pénale, qui touche prioritairement les catégories sociales défavorisées, s’accroît en période de récession. L’État paternaliste remplace l’État « maternaliste » comme le montre la corrélation significative entre détention et inégalités sociales. Le contrôle social s’est durci depuis 1975, parallèlement à la crise économique, l’État tirant de plus en plus sa légitimité du pénal au détriment du social. Cette évolution idéologique, qui s’accélère depuis 2002, renforce le rôle propre du facteur économique et conduit alors à une explosion de l’effectif annuel des incarcérations.

Rédigé par ddacoudre

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