La meute n’est pas là ou ont la décrit.
Publié le 26 Mai 2025
La meute n’est pas là ou ont la décrit.
J’ai lu avec intérêt l’article ; il a, à mon sens, le mérite d’avoir été écrit. Il n’est pas rare que des journalistes adoptent une démarche similaire lorsqu’ils commentent un parti ou un homme politique. Il suffit, par exemple, de rappeler quelques noms – Rocard, Balladur, Mégret, Philippot, etc. – pour constater que la liste est longue. De même, Mediapart ou Le Canard enchaîné relaient des anecdotes que, pour reprendre une expression familière, nous pourrions qualifier de « lièvres » – ce que font encore quelques journaux indépendants. Je ne m’attends pas à découvrir ici « La Meute » comme une révélation, puisque ce type d’ouvrage apparaît, force est de le constater, partout dans le monde.
Ce serait magnifique que, en politique comme en économie, seuls des « saints » – des êtres irréprochables, impeccables, parfaits, exemplaires, honnêtes, inattaquables, irrépréhensibles, probes, vertueux – peuplent les scènes publiques. Hélas, dans un monde où, en politique, en économie ou même dans nos relations interpersonnelles, le conflit règne et où chacun se comporte parfois comme un requin, il est impossible pour un être humain de révéler l’intégralité de sa vie. Nous ne montrons que ce que nous jugeons essentiel pour être reconnus et valorisés, occultant nos failles pour mieux préserver notre image.
Dans ce jeu complexe qu’est la vie, nourri de frustrations, de déceptions ou simplement afin de coller à une ambiance victimaire délétère, il faut impérativement occuper pleinement sa place dans « la politique du pays » pour pouvoir défendre ses positions quand l’appel médiatique suscite des jugements purement émotionnels. Porter des convictions, poser des idéaux, se poser en guide n’est jamais chose aisée : ainsi, tous les partis se séparent inévitablement de ceux qui ne partagent pas leurs valeurs fondamentales – qu’ils soient exclus ou qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes. Ce mécanisme, bien qu’ordinaire dans les associations de personnes, est en réalité l’un des moteurs de la vie démocratique.
Je ne trouve pas justifié de comparer Mélenchon à Staline. Jusqu’à présent, il n’a fait tuer personne. Pourtant, refuser de reconnaître son déterminisme – sans oublier ses déclarations assumées, comme lorsqu’il annonçait vouloir mettre en place immédiatement une VI République – nous conduit à écrire des inepties. J’en parle d’autant plus en sachant que j’appartiens à ceux qui ont été exclus pour avoir défendu une conception de la démocratie. Néanmoins, je reste lucide : sans lui, sans son opiniâtreté, son entêtement, sa diatribe et son droit légitime de s’indigner, la gauche aurait peut-être disparu de la vie politique.
Cela dit, s’il pense changer la vie des citoyens – qui, dans leurs comportements économiques, se comportent avant tout comme des capitalistes – il risque d’être déçu ou, à l’instar de Mitterrand en 1983, de glisser vers la social-démocratie, renonçant ainsi à l’esprit de son engagement. Dans un monde capitaliste, le passage au socialisme ne s’opère pas par une élection ; il doit se faire par l’information et une éducation socialisante visant à l’émancipation des dominés, afin qu’ils assument leur rôle de sujets économiques capables de générer du capital et de financer une solidarité collective et humaine. Cependant, ce processus prend des siècles, car il suppose de maîtriser nos atavismes, en totale contradiction avec les pratiques actuelles.
Face à ce défi, certains ouvrages – et, dirions-nous, certains auteurs – n’ont d’intérêt que pour ceux qui recherchent la bonne foi, la conscience, la droiture, l’honnêteté, l’honorabilité, l’incorruptibilité, l’intégrité, la loyauté, la moralité, la pureté, la rectitude, la sincérité à chaque instant de la vie… Autant dire qu’il s’agirait de nier la réalité humaine dès la naissance. Il est difficile de porter un jugement impartial dans un tel contexte ; il importe donc de savoir faire preuve de tolérance, sans pour autant accepter l’inacceptable.
Il y a quelques années, en 2009, après le départ de Mélenchon du PS, j’avais écrit un article intitulé « Mélenchon sera-t-il plus productif que le PS ?». J’y concluais notamment :
> « Est-ce que cela sera productif ? > Pour l’instant, nous nous dissimulons derrière un leurre qui semble, de façon trompeuse, offrir une sécurité absolue, alors même que les atteintes aux libertés fondamentales – nées d’une fracture sociale – sont bien réelles. Il existe une contradiction fondamentale entre l’État de droit et l’État policier, ou entre la force du droit et le droit de la force, ce dernier glissant inexorablement vers une dérive totalitaire. »https://ddacoudre.over-blog.com/2016/10/melenchon-sera-t-il-plus-productif-que-le-ps.html
Par la suite, en 2011, dans un article intitulé « Mélenchon sera-t-il une autre histoire ?», j’exprenais l’espoir qu’il puisse unifier ce qui restait du socialisme afin d’envisager un avenir à construire et à inventer. Cela ne peut pas se faire en accédant au pouvoir en s’appuyant sur des citoyens – tous capitalistes dans leurs comportements – qui, dans leurs échanges, cherchent systématiquement à réaliser une plus-value en vendant plus cher que la valeur réelle de leurs produits ou en achetant moins cher. Cette quête incessante de probité dans les échanges, bien que paradoxale, ne nous rend pas forcément meilleurs ; elle permet néanmoins d’éviter, à l’instar de l’approche du FN/RN qui fustige d’un côté les riches profiteurs et de l’autre l’assistanat, de sombrer dans une vision simpliste des rapports de force. https://ddacoudre.over-blog.com/melanchon-sera-t-il-une-autre-histoire.html
J’espère, par ailleurs, que l’affaire judiciaire concernant la leader de ce mouvement aura permis d’apporter un peu de clarté dans le discours tendu autour de la RN/FN, souvent présentée comme victime des « antifascistes ».
En relisant mes deux articles, il m’est apparu que l’avenir m’avait, en quelque sorte, donné raison.