La dette finance des vies, pas des trous

Publié le 29 Septembre 2025

La dette finance des vies, pas des trous


Ce que ne vous disent pas les informations ni les gouvernements.

1. La dette, un faux épouvantail

Depuis Maastricht, les discours politiques nous répètent qu’il faut réduire la dette comme si c’était un monstre menaçant notre survie collective. Or, cette dette n’est rien d’autre que le cumul depuis 1974/76 des déficits annuels de l’État. Elle finance des salaires, des services publics, des investissements collectifs. Depuis des décennies, la dette publique est présentée comme un gouffre, un fardeau insupportable, une anomalie qu’il faudrait absolument résorber. Pourtant, il faut avoir le courage de le dire : la dette ne finance pas des trous, elle finance des vies.

Chaque euro emprunté depuis les années 1970 a permis de maintenir des services publics, des hôpitaux, des écoles, des routes, mais surtout des salaires. Ce sont ces salaires qui font tourner la société, car les salariés, en consommant, financent tout : impôts, cotisations sociales, investissements, bénéfices et dividendes.

Réduire la dette en coupant dans les dépenses publiques, c’est donc supprimer des emplois réels.

Personne ne sait qui, parmi ceux privés de revenus, basculera vers la précarité, la délinquance ou la révolte. Mais l’histoire nous l’a appris : réduire la dette brutalement, c’est créer du chômage et de la misère, donc nourrir les crises politiques.

La dette est ainsi le révélateur d’une hypocrisie collective. Les citoyens réclament toujours plus de services publics, mais refusent l’impôt. Les gouvernements veulent la croissance, mais organisent la rareté monétaire en laissant la création de monnaie aux seuls marchés financiers. Les dominants capitalistes en profitent, car ils perçoivent les intérêts et renforcent leur pouvoir sur les États.
Autrement dit : réduire la dette, c’est réduire directement des emplois et des services.

2. Un calcul simple mais éclairant

Les 3 200 milliards d’euros de dette cumulée en 2024 représentent environ 190 millions de mois de salaires, soit l’équivalent de plus de 15 millions d’emplois annuels sur cinquante ans. Quand un gouvernement annonce vouloir économiser 40 milliards d’euros, cela revient à détruire l’équivalent de 2,4 millions de mois de travail, donc 200 000 emplois annuels.

Si l’on divise cette somme par le coût d’un emploi au SMIC chargé (~2 100 €/mois), on obtient :

    • 1,52 milliard de mois d’emplois financés depuis 1974.

    • Soit 126 millions d’années d’emplois.

Bien sûr, ces emplois ne sont pas simultanés : la dette s’est accumulée en cinquante ans. Mais cela montre qu’elle représente avant tout des vies humaines, du travail, du service rendu à la collectivité.

 

La dette n’est pas une abstraction : ce sont des enseignants, des soignants, des agents publics, des services de proximité. Supprimer des milliards, c’est supprimer des vies professionnelles et précariser la société.

3. Ce que veut dire « faire des économies »

Le gouvernement annonce vouloir réduire les dépenses publiques de 40 milliards €.

  • 40 milliards ÷ 2 100 €/mois = 19 millions de mois d’emplois.

  • ÷ 12 = 1,6 million d’emplois annuels au SMIC.

Cela signifie que, mécaniquement, 1,6 million de personnes perdraient leur activité si l’on coupait cette dépense, sauf à créer immédiatement une activité équivalente dans le privé. Or, cela n’arrive jamais.

C’est la conséquence de réduire l’existence à une comptabilisation, un parfait exemple d’humanisation, qui m’a fait déclarer un jour de colère, ouvrons des fours pour les humains en trop.

Réduire la dette revient donc soit à fabriquer du chômage, soit à rogner sur des services collectifs indispensables (hôpitaux, écoles, transports, justice…). Depuis 1974, l’endettement a servi à compenser l’insuffisance chronique des salaires et des prélèvements. Sans lui, la France aurait connu des crises sociales autrement plus violentes. En vérité, la dette est une respiration collective, un outil de survie dans un système capitaliste qui bride l’émission monétaire.

Le vrai débat n’est donc pas « faut-il réduire la dette ? », mais : qui contrôle la monnaie, et pour financer quoi ? Tant que nous restons prisonniers de la rareté imposée par le capital et par les institutions financières, nous continuerons à nous endetter. À l’inverse, si nous adoptions une création monétaire indexée sur la productivité, sur l’énergie (le joule), ou sur les besoins sociaux et écologiques, nous financerions directement la société sans passer par l’endettement ni par les marchés. Ce n’est pas la dette qui est un danger : c’est l’obsession de la réduire au prix de l’humain.

C’est ce que ne comprennent pas les citoyens que ce soit dans les jacqueries des gilets jaunes ou de Bloquons la société, la bastille à prendre n’est pas le gouvernement mais la BCE


 

4. L’angle mort du débat

Quand les politiques parlent de dette, ils oublient toujours cette réalité comptable :

  • La dette, c’est du travail déjà effectué par des salariés.

  • Elle finance des enseignants, des infirmières, des policiers, des chercheurs… qui ont touché un salaire et produit un service.

  • Dire « réduisons la dette », c’est donc implicitement dire : « supprimons des salaires et des services ».

Tableau comparatif (Italie / autres pays)

Pays

Réduction de déficit / ajustement

Coût social / pertes d’emplois / effets sur salaires & services

Commentaire critique

Italie

Réformes du travail, compression budgétaire

Chômage élevé, salaires réels stagnants, services publics comprimés

Le “modèle exemplaire” masque la précarité

Grèce

Austerité radicale

Fuite des talents, explosion de la pauvreté

La dette “réduite” au prix de la survie

Espagne

Réformes, coupes sociales

Perte de millions d’emplois après 2008

Apparence de redressement mais déficit structure

 

Coût social caché de la “réussite” italienne

Les discours politiques citent souvent l’Italie comme « exemple de redressement » ou de “bonne gestion”. Mais derrière ces chiffres se cache un lourd tribut social qu’on préfère occulter. Voici quelques éléments concrets :

Données récentes marquantes
  • En janvier 2025, l’Italie affiche un taux de chômage de 6,3 %, selon l’ISTAT, avec 145 000 emplois créés ce mois-là — un regain ponctuel, mais dans un contexte où le taux d’emploi reste l’un des plus faibles d’Europe. Reuters

  • Le secteur automobile, via l’entreprise Stellantis, a annoncé avoir supprimé près de 10 000 emplois en Italie entre 2020 et 2024. Reuters

  • Le rapport Oxfam Italie (2013) montrait déjà que lors de périodes d’ajustement budgétaire, le plein-emploi recule, les emplois à temps partiel augmentent, et les ménages les plus modestes sont les plus touchés. www-cdn.oxfam.org

  • Depuis les crises de la zone euro, l’Italie a perdu une part importante de sa production industrielle (≈ 25 %), freinant sa capacité à retrouver des emplois industriels de qualité. SpringerLink+1

Limites et analyses critiques
  • Les “emplois créés” ne sont pas tous équivalents : beaucoup sont précaires, temporaires ou à temps partiel. Le renversement de la précarité durable reste peu visible.

  • Le “succès” italien est souvent mesuré en termes de croissance ou de réduction du déficit, mais peu en termes de reconstruction de services publics ou de rehaussement des salaires réels.

  • L’amélioration du ratio dette/PIB peut masquer le fait que ce sont les citoyens ordinaires, et non les marchés, qui ont payé le prix : via des impôts, des coupes dans les services, des compressions salariales.

  • Comparer l’Italie à d’autres pays (Espagne, Grèce…) révèle que les politiques d’ajustement sont toujours assorties d’une précarisation massive, d’une montée du chômage de longue durée et d’une exclusion sociale invisibilisée dans les statistiques officielles.

  • On peut désormais dire : « Oui, l’Italie “s’améliore” sur les indicateurs macroéconomiques — mais à quel coût humain ? »

  • Les “emplois créés” sont souvent des emplois faibles ; les suppressions dans les secteurs industriels ou stables frappent les classes moyennes et populaires.

  • On présente les réductions de dette comme des réussites abstraites, mais elles sont obtenues sur le dos de vies précarisées.

L’obsession comptable, une impasse historique

Les dirigeants répètent : « Il faut réduire la dette ! ». Mais aucun pays ne s’en sort uniquement par la rigueur. Historiquement, les dettes publiques se stabilisent ou se réduisent par :

  • La croissance économique.

  • L’inflation modérée (qui allège le poids réel de la dette).

  • La création monétaire (non admise dans l’Union européenne actuelle).

Couper dans les dépenses publiques n’a jamais produit de miracle. Cela ne fait qu’alimenter le chômage et la défiance politique.

L’enjeu véritable

Le vrai débat n’est pas : « Faut-il réduire la dette ? »
Le vrai débat est : qui contrôle la monnaie, et pour financer quoi ?

Tant que la création monétaire est laissée aux marchés financiers et aux banques, la dette restera une chaîne qui nous étrangle, et les coupes budgétaires continueront de fabriquer du chômage.

Mais si nous assumons que la dette est en réalité une avance sur productivité collective, alors nous pouvons imaginer une autre voie : une création monétaire publique, indexée sur les besoins sociaux, écologiques, ou même sur une mesure énergétique universelle comme le joule.

Alors, au lieu de compter les milliards « à économiser », nous compterions les vies améliorées, les services garantis, et l’avenir construit.

Parce qu’au fond, la dette finance des vies, pas des trous.

Une autre logique : investir dans la vie

Si la dette finance des vies, alors l’enjeu n’est pas de couper, mais de mieux orienter.
Investir dans :

  • La transition écologique,

  • La santé et l’éducation,

  • Les technologies utiles,

c’est garantir des emplois et un avenir. Le problème n’est pas la dette en soi, mais la soumission aux marchés financiers qui exigent leur part d’intérêts.

5. Une hypocrisie entretenue

Les citoyens ne veulent pas payer plus d’impôts, mais ils exigent des services publics.
Les gouvernements ne veulent pas assumer cette contradiction, alors ils s’endettent.
Les libéraux dénoncent ensuite la dette pour imposer leurs solutions : privatiser, réduire les droits sociaux, transférer la richesse vers le capital.

En vérité, la dette est le reflet d’un choix politique : maintenir un niveau de vie collectif malgré une répartition des richesses toujours plus inégalitaire.

6. Conclusion

La dette publique n’est pas un gouffre, mais un miroir : celui d’une société qui préfère préserver les profits privés plutôt que de financer équitablement ses besoins collectifs.
Réduire la dette sans alternative, c’est fabriquer des chômeurs.

Réduire la dette pour « rassurer les marchés » est un mythe destructeur. Derrière chaque milliard coupé, ce sont des vies humaines qui basculent dans la précarité.

La vraie question n’est pas : « Comment réduire la dette ? »
Mais : « Comment faire en sorte que la monnaie serve à financer la vie, et non à enrichir une minorité ? »
Alors oui, il vaut mieux « laisser couler la dette » que couler des millions de vies.

La dette n’est pas un trou : c’est une respiration. Coupez-la, et vous étouffez la société.

« Entre dette et austérité, le choix est clair : la dette nourrit, l’austérité affame. »
La comparaison France–Italie montre que l’obsession comptable détruit plus de vies qu’elle n’en sauve. Nous pouvons dire la dette nourrit, l’austérité précarise, la dette c’est la vie, couper la dette c’est couper des vies car elles sont derrières les chiffres

 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

 


 

 

Rédigé par ddacoudre

Publié dans #critique

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